Distinguer les différents secrets professionnels

Ce qu'il faut retenir sur les différents secrets : secret en travail social, secret de l'instruction, secret des sources

- Dans les échanges entre différentes institutions ou directement entre professionnels, la référence au secret peut être un marqueur avancé dans la discussion pour argumenter une similarité de situation.

-  Un gendarme peut rappeler qu'il est lui aussi soumis au secret de l'instruction et donc passible des mêmes peines que le travailleur social en cas de non-respect ;

-  Il est vrai que, pour le travailleur social qui y est soumis comme pour l'enquêteur, c'est le même article qui s'applique en cas de divulgation d'informations à caractère secret : le 226-13 du code pénal.

- Cependant, si la référence légale et la sanction encourue sont bien les mêmes, les fondements du secret professionnel de l'enquêteur de police ou gendarmerie d'une part, et du travailleur social d'autre part sont très différents. Il convient donc de préciser les contours de chacun des deux types de secret professionnel.

- Le secret professionnel en travail social vise à crédibiliser une fonction afin que la personne rencontrée puisse évoquer ses difficultés. Cela aide la travailleur social à comprendre ce qui se passe réellement et à intervenir de façon adaptée pour résoudre le difficulté. L'information même essentielle confiée par la personne n'a pas a priori vocation de cet échange avec le professionnel. Une information importante peut donc rester confinée ad vitam eternam.

- Le secret de l'instruction prévu à l'article 11 du code de procédure pénale vise à protéger la personne mise en cause, présumée innocente, et à faciliter l'enquête dans certains cas. Si tout le monde savait l'existence de l'enquête et son contenu, nul doute que cela nuirait tant à la personne qu'à la qualité de la procédure. Mais surtout, les éléments appris lors de l'enquête sont appelés à venir en « place publique ». La suite d'une enquête judiciaire, lorsque l'infraction est démontrée , son auteur identifié et les preuves apportées, c'est le jugement « au nom du peuple français » lors d'une audience publique, parfois relayée par les médias. Dans ce cadre, une information importante ne peut donc rester confinée : elle sera nécessairement accessible à plus ou moins court terme.

- Ces deux secrets professionnels sont donc très différents dans leurs fondements même s'ils sont référés à un même niveau de sanction pénale possible. Et ils ont un point commun essentiel. Le secret est nécessaire à l'efficacité de chacun des métiers avec ses objectifs propres. Avec ses informations soumises au secret, le policier ou gendarme va « produire » une enquête qui va permettre d'identifier les responsabilités et prononcer une sanction, tandis qu'avec ses informations soumises au secret, le travailleur social va produire une aide à la personne bénéficiaire de son intervention.

- Si l'objectif direct est différent, l'objectif indirects des deux acteurs peut être similaire : produire une société viable pour ses acteurs. C'est bien l'existence de ces différentes approches (et d'autres encore) qui, ensemble, permettent de faire société.

Un autre secret est souvent invoqué, c'est le « secret des sources » des journalistes. En réalité, il faudrait parler de protection des sources. Elle est une condition de la liberté d'expression. En effet, si la source de l'information n'est pas divulguée, l'information elle a vocation à être publiée. Le journaliste est ainsi libre d'exercer et le public d'être informé des sujets d'intérêt général. Dans ce secret aussi, la notion d'efficacité au regard des objectifs spécifiques que sont ceux des journalistes est centrale.

On mesure combien la question du secret est liée à celle de l'efficacité de chaque fonction. Vouloir agir de concert, donc ouvrir des informations à d'autres acteurs avec des objectifs différents doit donc être sérieusement réfléchi. Et l'on se posera toujours la question préalable : cela n'entraîne-t-il pas une confusion des places et des rôles dommageable, risquant d'amoindrir l'efficacité d'un des acteurs, voire de tous ? 

 

 

Y voir clair entre les différents secrets professionnels - Même obligation et risque de sanction, objectifs différents